Fluvial, ferré, industrie
et énergies sur un même bateau

Comment relocaliser l’industrie, relancer la production d’énergie et décarboner le transport ? Trois sujets au cœur des débats du 3e Forum Axe Seine organisé sur le port de Gennevilliers le 4 décembre 2024.

Une péniche au fond d’une darse avec vue imprenable sur le port et ses activités. Le 3e Forum Axe Seine organisé le 4 décembre à Gennevilliers a tenu toutes ses promesses, avec plus de 150 participants. Élus, experts, syndicalistes, dirigeants d’entreprises, sans tribune ni protocole, les acteurs majeurs du territoire ont pris la parole pour une confrontation de points de vue et d’idées.
Le Forum a été l’occasion pour le préfet Pascal Sanjuan, délégué interministériel à l’Axe Seine de faire le point sur l’action de l’État dans ce domaine et à Christophe Berthelin, directeur général et président du directoire de Haropa Port par intérim, de mesurer le chemin parcouru depuis le lancement d’Haropa en 2021. « Nous avons cette chance de pouvoir développer une vision globale et de prendre des décisions non plus en fonction d’un territoire, mais d’un système beaucoup plus global et d’objectifs qui sont communs à plusieurs territoires. Car quand on prend une décision pour Le Havre, comme la création de la chatière, cela a des incidences jusqu’à Paris en rendant plus facile le transport des boîtes par le fluvial », a rappelé Christophe Berthelin.

L’industrie en souffrance

Les débats ont été en prise directe avec la réalité portuaire et les enjeux climatiques et ont réaffirmé une ferme volonté de voir les choses avancer. Les intervenants ont évoqué la relocalisation des industries à l’heure où l’activité industrielle continue de souffrir en vallée de Seine, avec des menaces sur l’industrie automobile et ses équipementiers, sur les projets de développement d’hydrogène ainsi que sur le site d’Exxon mobile à Port-Jérôme avec l’annonce de la fin des activités chimie et plus de 600 suppressions d’emplois. Toutefois, des activités continuent de performer comme la pharmacie et l’aéronautique, ou encore l’assemblage d’éoliennes.
L’Axe Seine peut également renouer avec sa vocation d’accueil de centres de production d’énergies comme le programme de biomasse sur le port de Gennevilliers, illustré par l’intervention de Sébastien Petithuguenin, PDG de Paprec énergie, opérateur du projet pour le compte du Syctom. De même, dans l’agglomération de Rouen, le Smédar, représenté par le directeur de cabinet Stéphane Caron, travaille sur la récupération de la chaleur fatale de son usine Vesta.
On a beaucoup parlé du développement du transport fluvial et du multimodal, du projet Ikéa lancé à Limay jusqu’au port multimodal de Bonneuil. Sans oublier le recours massifié au ferroviaire avec des infrastructures dignes de ce nom, notamment entre Paris et la Normandie. « Il y a un enjeu économique de pouvoir retravailler sur l’ensemble de l’axe Seine et ainsi développer de l’activité économique le long de l’axe Seine, a insisté Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers, qui défend l’idée d’un port du premier kilomètre. Il y a également un enjeu écologique aussi qui est de décarboner le mode de transport sur cet axe et sur l’arrivée sur la métropole du Grand Paris, à la fois par l’utilisation du fleuve et sur la voie ferrée. Il faut que le train et le fleuve soient beaucoup plus utilisés pour le transport de toutes les marchandises en direction de la métropole ou sortant de la métropole. »

Densification des installations

Enfin, soucieux de l’économie du foncier, à l’image d’Erwan Lemeur, président de la communauté portuaire, Communauté portuaire Seine Aval les intervenants ont débattu de la question de la densification des implantations et de l’écologie industrielle. L’action du port de Gennevilliers a été présentée en détail, par Gildas Monjoin directeur de la communauté portuaire. L’occasion aussi d’échanger sur l’opportunité du projet Greendock sur le port de Gennevilliers questionné par des associations de riverains, mais défendu par Haropa port et la ville de Gennevilliers comme un outil indispensable à la décarbonation du transport et au développement du mode fluvial. Ce qui a permis à Antoine Berbain, Directeur général délégué d’Haropa d’expliquer comment le port, aménageur public, identifie et choisit les projets industriels à implanter avec l’intérêt général et local pour boussole.

Pour répondre à ces enjeux, la question de la gouvernance de lAxe Seine est cruciale comme l’a souligné Arnaud Brennetot, géographe, directeur de département de Géographie à l’Université de Rouen qui a rappelé le besoin de mettre en œuvre une gouvernance puissante de lAxe Seine, qui soit en mesure construire les infrastructures nécessaires en réalisant les arbitrages indispensables à l’intérêt général, notamment sur la question de la Ligne nouvelle Paris-Normandie. « Il s’agit là de préparer la seule mégapole de l’Union européenne, plus de 10 millions d’habitants, une métropole de rayonnement mondial. Ça suppose d’avoir des forces politiques qui soient en mesure d’asseoir par leur autorité et leur légitimité démocratique des arbitrages, qui vont décider comment on va répartir les coûts et les opportunités que nécessite la transition, analyse le géographe. Croire que la transition de la vallée de la Seine, ça va se faire au bénéfice de tous, c’est complètement illusoire à mes yeux. Et il faut assumer qu’il y a des choix à faire, une hiérarchie des priorités. »

Besoin d’un État stratège

Au-delà des points de vue différents, un consensus émerge sur la nécessité d’une intervention forte de l’État pour reprendre la main sur l’aménagement du territoire de manière volontariste et mettre en œuvre le schéma stratégique pour le développement de la Vallée de la Seine, garant de l’intérêt général et de l’intérêt du fleuve dans toutes ses dimensions : naturelle, écologique, économique, touristique, logistique…  « L’État, on en a besoin, on l’attend, a martelé Denis Öztorun, maire de Bonneuil-sur-Marne, deuxième port d’Île-de-France. Mais on ne peut pas tout dire et faire son contraire. On ne peut pas dire l’axe Seine, c’est important et t de l’autre côté, promouvoir le port d’Anvers en travaillant le canal du Nord. On ne peut pas dire il faut donner plus de place ferroviaire et de l’autre côté, casser le ferroviaire et l’existence même des organismes ferroviaires. Donc il nous faut du courage politique et surtout de la constance ».

Les maires au premier rang

Les maires sont des acteurs déterminants dans le développement de l’activité portuaire. Les élus locaux étaient donc les premiers acteurs de ce forum : Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers et conseil métropolitaine, Denis Öztorun, maire de Bonneuil-sur-Marne (94), Yann Perron, maire de Gargenville (78) et vice-président de la communauté dagglomération Grand Paris Seine et Oise (GPSEO), Michel Lebouc, maire de Magnanville (78), Jean-Michel Genestier, maire du Raincy (93) et conseiller métropolitain, Bruno Lacroix, adjoint au maire de Fleury-les-Aubrais (45).

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